Cette semaine, j’ai appris le décès du Père Raymond d’Izarny (1922-2015), à l’âge de 93 ans. Ce prêtre du diocèse de Nanterre avait 78 ans déjà lorsqu’il lança un site, le Cybercuré, qui rencontra un grand succès. Jusqu’à 90 ans, depuis sa maison de retraite, il continua d’y consacrer plusieurs heures par jour.
C’est au moment de prendre sa retraite qu’il s’est lancé sur la toile, déprimé à l’idée de quitter ses fidèles. “Je me suis dit: Je vais faire une grande paroisse, une paroisse mondiale”, glisse le vieil homme, sourire en coin et grands yeux bleus. “J’ai acheté un ordinateur, appris l’informatique et j’ai commencé à faire un site”, résume-t-il. Mise en ligne, édition, référencement: le presque nonagénaire maîtrise désormais ces notions sur le bout des doigts, même s’il se fait aider lorsque les problèmes techniques deviennent insurmontables. (La Dépêche, 23 décembre 2011)
Repris en 2013 par une équipe, le site se présente aujourd’hui sous une enveloppe moderne: mais durant des années, il conserva la présentation très simple de ses débuts — celle d’un site produit avec des outils très simples et de modestes moyens. Pourtant, la sobriété de la présentation n’avait pas empêché ce site pionnier du web catholique francophone d’attirer quotidiennement plusieurs milliers de visiteurs: preuve que le secret du succès ne réside pas toujours dans l’attrait extérieur d’un site, mais que le contenu et l’effort rédactionnel sont tout aussi importants. Raymond d’Izarny s’astreignait à un style simple et clair, en évitant un vocabulaire spécialisé difficilement compréhensible pour des personnes rarement présentes sur les bancs des églises.
Je l’avais entendu en juin 2002, à Paris, lors des premières Assises de l’Internet chrétien chrétien francophone, dont j’avais rendu compte dans un article publié par Religioscope. Raymond d’Izarny avait expliqué sa démarche: il avait commencé à la manière du professeur de séminaire qu’il avait été, mais avait rapidement pris conscience qu’il lui fallait se mettre à l’écoute de ce grand public à la rencontre duquel voulait aller son site, puisque son projet était de s’adresser avant tout aux chrétiens non pratiquants et aux personnes se trouvant “au seuil de l’Église”. Il expliquait: “J’ai lancé au départ ce site à destination des chrétiens non pratiquants qui se rendent à la messe uniquement pour assister à un mariage ou un enterrement mais se posent en même temps énormément de questions liées à la religion” — citation résumant sa démarche et reprise dans le communiqué du site annonçant son décès.
Or, les questions posées, souvent très pratiques, n’étaient pas celles auxquelles aurait d’abord pensé un théologien. Le Père Raymond d’Izarny fit donc le choix de ce qu’il qualifiait de “conversion mentale” et de répondre aux interrogations de ses interlocuteurs, en abordant une grande variété de sujets contemporains: pas seulement sur des questions très concrètes relatives au catholicisme, mais aussi sur l’islam ou sur le Code Da Vinci. Il répondait personnellement aussi aux questions qui lui arrivaient chaque jour. Les dernières décennies de sa vie ne furent ainsi pas seulement le témoignage d’une curiosité restée en éveil, mais aussi une leçon vécue sur la façon de parler de religion en ligne.