Le dernier numéro de la revue internationale de sociologie de la religion Social Compass (60/3, sept. 2013) invite à nuancer quelques clichés sur la situation religieuse en Italie: même si la place du catholicisme y reste grande, l’Église catholique romaine doit s’adapter à un contexte que marquent à la fois la sécularisation et une nouvelle diversité religieuse.
Marco Marzano (Université de Bergame) met ainsi en question le taux de pratique religieuse catholique: plusieurs sondages suggèrent en effet qu’un Italien sur deux se rend à l’église au moins un dimanche par mois. Cependant, comme cela a déjà été observé dans d’autres pays, des études de terrain plus fines, comptabilisant le nombre réel de fidèles dans une ville ou un diocèse un dimanche, suggèrent un écart sensible entre participation déclarée et participation réelle aux célébrations dominicales. Entre autres indicateurs de sécularisation, Marzano relève un moindre intérêt pour l’Église chez les jeunes ainsi qu’une diminution du nombre de mariages religieux et une augmentation de celui des mariages purement civils.
Cela ne signifie pas que le catholicisme soit pour autant en voie de disparition en Italie: plus de 80 % de la population italienne demeure liée au catholicisme, avec une intensité variable; seuls 10 % des Italiens déclarent n’appartenir à aucune religion, et leur part ne serait pas en forte augmentation pour le moment. Selon Franco Garelli (Université de Turin), les catholiques “convaincus et actifs” représentent un cinquième de la population italienne; plus de 25 % sont “convaincus, mais pas toujours actifs”, et enclins à une approche sélective; 30 % environ auraient un attachement “culturel et ethnique” à l’héritage catholique.
“En fait, une partie de la population semble avoir des réticences à couper ses liens avec la religion dominante. Elle la considère comme une partie de son histoire et de sa biographie, en mesure d’offrir la sécurité et l’orientation nécessaires en ces temps riches en inquiétudes, et caractérisés par la présence croissante de fois et traditions culturellement différentes.” (p. 334)
Car c’est bien entendu une autre facette de la situation religieuse de l’Italie contemporaine: la présence d’autres traditions religieuses, notamment en raison d’une importante immigration. Enzo Pace (Université de Padoue) tente de montrer comment “un système de monopole symbolique subit des transformations exogènes”. Le nombre d’immigrants atteignait 5 millions (7 % de la population italienne) en 2011. Les groupes religieux liés aux courants migratoires comptent pas moins de 1.832 lieux de cultes en Italie: 655 pour les musulmans, 355 pour les différentes Églises orthodoxes (dont 166 pour les orthodoxes roumains), 658 pour les Églises africaines néo-pentecôtistes.
Tout en s’efforçant de défendre sa position historiquement dominante (notamment le principe de l’enseignement religieux catholique dans les écoles publiques), note Pace, l’Église catholique romaine prend acte de cette nouvelle pluralité religieuse et s’engage pour les immigrés à travers ses réseaux d’organisations caritatives. Elle se montre particulièrement ouverte sur le plan religieux envers les communautés orthodoxes, à la disposition desquelles elle met souvent des églises ou chapelles non utilisées.