Répondu ce soir, en direct, à quelques questions de la Radio suisse romande sur le déplacement du pape François au Brésil à l’occasion des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), auxquelles quelque 600 jeunes Suisses sont inscrits (ATS, 17 juillet 2013). Les questions tournaient autour de la signification de ce voyage et de la situation du catholicisme en Amérique latine, sur le thème “reconquête de l’Amérique latine". Il est exact que l’hémisphère sud ce continent, s’il demeure celui de plus de 40% des catholiques dans le monde (auxquels il faudrait ajouter des millions de catholiques latinos aux États-Unis), connaît aussi des phénomènes de sécularisation et de baisse de la pratique religieuse, même si c’est dans des proportions bien moindres qu’en Europe occidentale. En outre, dans certains pays, la progression d’autres groupes religieux, en particulier d’autres formes du christianisme (protestantisme évangélique, dans les différentes déclinaisons du pentecôtisme) a été très importante. 95% de la population brésilienne était ainsi catholique en 1910, mais ce taux était tombé à 65% en 2010.
Le premier objectif n’est cependant pas celui de la reconquête de l’Amérique latine par un pape venu de ce continent: le lieu des JMJ 2013 était connu déjà bien avant le renoncement de Benoît XVI et l’accession du cardinal Bergoglio au souverain pontificat. Nées au milieu des années 1980 sous l’impulsion de Jean-Paul II, avec son flair pour les grands rassemblements, les JMJ avaient déjà eu lieu en Amérique latine à leurs débuts (à Buenos Aires en 1987) et “tournent" tous les deux ou trois ans sur différents continents: les deux précédentes s’étaient tenues à Sydney en 2008 et à Madrid en 2011. Si elles peuvent certes constituer une affirmation symbolique d’un dynamisme catholique évangélisateur en Amérique latine, avec leur thème choisi pour cette année: Allez! de toutes les nations, faites des disciples (Matthieu 28:19), l’horizon de ces rencontres est mondial et ciblé avant tout sur la jeunesse.
Ce n’est un mystère pour personne: dans bien des pays du monde, notamment en Europe, une grande partie des jeunes catholiques n’usent guère les bancs des églises, surtout à partir de l’adolescence. Il y a quelques décennies, des organisations spécialisées avaient pour objectif d’encadrer et de former la jeunesse, assurant ainsi une relève catholique: les groupes de scouts catholiques, mais aussi les différentes organisations de Jeunesse catholique. Après les turbulences traversées par le catholicisme de la seconde moitié du XXe siècle, les groupes de Jeunesse catholique ont perdu beaucoup de leur importance, quand ils n’ont pas disparu; nombre de scouts catholiques — mais pas tous — ont vu leur identité se diluer. De même, les structures paroissiales ne peuvent plus jouer le même rôle, pour des raisons variées. D’autres canaux doivent permettre de mobiliser et redynamiser les jeunes catholiques (sans oublier la catéchèse, présente aux JMJ), notamment des rassemblements ponctuels et des réunions lors de moments forts: les JMJ en sont l’exemple le plus global. “Ce mode de présence est certainement en adéquation avec les aspirations des jeunes et avec l’écriture médiatique contemporaine. Reste à savoir si cette manière de transmettre le dogme et d’alimenter l’esprit missionnaire aura la fécondité de la précédente.“ (Bernard Giroux, “De l’Action catholique aux JMJ. L’Église et la jeunesse catholique de France”, Transversalités, 2011/3 N° 119, p. 119-134)