Maintenant que l’excitation se calme et que la plupart des gens s’intéressent plutôt aux jours de fête à venir, le moment est opportun de faire le point pour résumer, en quelques paragraphes, ce qui s’est passé — en attendant des analyses plus fines et détaillées.
Il n’y a pas de “prophétie maya”, contrairement à une expression courante. Mais l’un des calendriers de la civilisation maya, celui du “Compte long”, arrivait à son terme aux alentours du 21 décembre 2012: ce qui ne signifiait pas la fin du monde, mais la fin d’un cycle calendaire, et le début d’un nouveau cycle. Difficile de savoir ce que les Mayas anciens en auraient pensé: les chercheurs n’ont pas tous la même opinion à ce sujet, et nos connaissance de la civilisation maya présentent bien des lacunes. De toute façon, même si des Mayas d’autrefois avaient attendu quelque chose pour cette date, il est difficile de comprendre pourquoi nous devrions leur accorder crédit aujourd’hui.
Dans les années 1970, la date de 2012 commença à retenir l’attention de quelques auteurs baignant dans l’atmosphère de la contre-culture et du New Age. Dans les années 1980, José Argüelles (1939-2011) diffusa le thème du calendrier maya et de l’année 2012, notamment à travers l’organisation d’une méditation planétaire simultanée sur plusieurs sites de la planète en août 1987, pour préparer le passage vers 2012 et l’entrée dans une nouvelle ère de conscience. Par la suite, notamment au cours de la décennie écoulée, nombre d’auteurs reprirent et répandirent l’idée d’un tournant en 2012. Le thème de 2012 s’est autonomisé: beaucoup de ces auteurs ne connaissaient pas Argüelles et n’avaient pas lu son œuvre; chacun a interprété la date du 21 décembre 2012 à sa guise; parmi ces intervenants se trouvaient aussi des figures indigènes de l’Amérique centrale.
Chez la plupart de ces auteurs, le thème de 2012 apparaît comme une perpétuation ou revitalisation des espoirs de transformation collective cultivés par les courants du New Age. L’accent est mis sur l’évolution et le changement de paradigme. Selon certains intervenants, cela peut s’accompagner de catastrophes ou turbulences durant une période initiale, mais l’approche se veut en général plutôt rassurante. Il existe aussi quelques auteurs (plus des individus que des dirigeants de groupes organisés) au discours nettement catastrophiste: ils sont en minorité. Cela signifie que les approches “croyantes” de 2012 ont plutôt insisté sur l’entrée plus ou moins rapide dans une nouvelle ère (ou sur l’ascensions de l’espèce humaine vers la 5e dimension) autour de la date charnière du 21 décembre 2012.
En 2009, un film catastrophe de Roland Emmerich, 2012, a notablement contribué à populariser la date de 2012 en dehors de ces cercles. Le film accorde peu de place à la spiritualité et au calendrier maya, mais décrit des bouleversements cataclysmiques affectant toute la planète par suite de phénomènes physiques. Les médias ont ainsi commencé à parler de plus en plus de 2012 — et à évoquer des “illuminés” qui, à en croire ces journalistes, auraient attendu l’apocalypse pour cette date. Mais, paradoxalement, tandis que les croyants au New Age ont paisiblement médité ce jour-là pour s’harmoniser avec les nouvelles énergies qu’ils croient sentir se déployer, des personnes sans le moindre lien avec les milieux du Nouvel Âge ont développé des sentiments d’inquiétude et ont craint de voir la date du 21 décembre 2012 associée à des troubles cosmiques ou sociaux.
Bien entendu, ces personnes ordinaires n’avaient jamais lu les textes et interprétations d’auteurs New Age, ni d’ailleurs ceux de la frange catastrophiste des milieux intéressés par 2012. Si des gens de la rue ont développé de telles craintes, ils semble bien que cela ait été avant tout grâce au battage médiatique. Certes, quasiment aucun journal ne prédisait l’apocalypse pour le 21 décembre 2012, et beaucoup estimaient même faire œuvre salubre en critiquant ou ridiculisant de telles croyances. Mais la multiplication de titres ou émissions sur “la fin du monde” a suscité le sentiment, dans une frange du public, qu’il y avait quelque chose à attendre ou à craindre pour cette date. En outre, notamment chez des adolescents, la diffusion en ligne de spectaculaires vidéos de catastrophes, par exemple sur YouTube, a probablement contribué à l’impact de ces rumeurs. Sans qu’on puisse en mesurer exactement la part, la circulation d’idées sur Internet a vraisemblablement aussi joué un rôle amplificateur.