Mes lecteurs connaissent mon intérêt pour différents aspects du développement d’Internet, dont les noms de domaine — j’en ai une petite collection, et je surprends parfois certains correspondants avec une adresse inattendue! Or, ce terrain connaît en ce moment même une évolution majeure. Pendant longtemps, il existait un nombre limité de gTLDs (generic top-level domains), tels que .com, .net, .org, .info, et des ccTLDs (country code top-level domains), tels que .ch, .fr, .de, .it et les noms d’autres pays ou territoires (par exemple .pm pour la modeste “collectivité d’outre-mer” française de Saint-Pierre-et-Miquelon, dans l’Atlantique Nord, ou .gs pour le territoire britannique presque inhabité de Géorgie du Sud, dans l’Atlantique Sud). Mais des dizaines de nouveaux gTLDs rejoignent progressivement les rangs des extensions disponibles, et ils seront bientôt des centaines. Cela élargira considérablement la palette des possibilités pour les personnes en quête d’un nom de domaine, même si les conséquences pour les TLDs bien établis restent encore incertaines. En outre, les nouveaux domaines génériques n’auront pas tous le même succès.
Premières extensions devenues accessibles à tout un chacun ce mois même: .photography, .clothing, .bike, . estate, .singles, .ventures et… .guru! Je n’ai pas résisté à la tentation d’acquérir mon nom de famille dans cette dernière extension. J’ai activé une adresse électronique en .guru, ce qui m’a valu déjà quelques commentaires amusés ou interloqués. Je n’ai en revanche pas encore créé ma page personnelle de gourou, mais j’y songe…
Aux premières nouvelles, .guru serait l’une des extensions de la première volée rencontrant le plus de succès: librement accessible depuis le 5 février pour une somme modeste (par exemple $26.99 chez le registrar Dynadot), .guru atteignait déjà plus de 20.000 enregistrements le 8 février. La publicité pour ce gTLD n’a pas du tout joué sur l’association avec un terme religieux, mais l’a présenté comme un domaine que l’utilisateur peut associer à une notion d’expertise ou à un usage “décalé”.
Avant l’accessibilité générale, les détenteurs de marques déposées ont pu faire valoir leurs droits. Puis, du 30 janvier au 5 février 2014, les personnes prêtes à payer cher ont pu réserver les noms désirés, selon un barème dégressif: chez le grand service d’enregistrement GoDaddy, $12,569.99 (!) le 30 janvier, $3,194.99 le 31, etc., puis enfin “seulement” $219.99 du 2 au 5 février…
J’ai eu la curiosité d’aller voir, dans le Whois du registre (Donuts), qui possède religion.guru: j’ai découvert le nom d’un habitant de Toronto, apparemment déjà propriétaire de nombreux noms de domaine. Il a acquis religion.guru le 2 février, par GoDaddy, ce qui lui a donc coûté $219.99. Mais en poussant mes recherches plus avant, j’ai découvert que ce résident canadien s’était livré à une petite razzia ciblée sur des noms religieux associés en préfixe de .guru. Il est ainsi l’heureux propriétaire de hindu.guru, christian.guru, catholic.guru, muslim.guru, jewish.guru, islam.guru, judaism.guru, et sans doute d’autres encore, que je n’ai pas repérés. Un véritable gourou virtuel, pourrait-on dire! Reste à voir s’il va développer un contenu ou plutôt chercher à revendre ces noms.
En revanche, hinduism.guru, buddhism.guru et buddhist.guru ont été pris par un acquéreur du Massachusetts, tandis que christ.guru, church.guru et taoist.guru ont trouvé d’autres propriétaires. Mais l’intérêt pour l’utilisation de .guru sur le mode religieux ne semble pas toucher de la même façon toutes les traditions religieuses: si vous êtes intéressé(e), il reste encore, au moment où j’écris ces lignes, protestant.guru, reformed.guru, lutheran.guru ou baptist.guru…