Dans le courrier de ce jour d’été m’arrive le numéro 711 (juillet-août 2012) du Bulletin des Lettres, que j’ouvre avec le plaisir habituel. Dans un autre texte, l’an dernier, j’ai dit mon attachement à cette revue de critique littéraire, qui paraît depuis 1930 et à laquelle je suis abonné depuis 1978. J’ai encouragé mes lecteurs à suivre mon exemple et à s’y abonner. Une revue littéraire indépendante, de qualité et hors de tout conformisme intellectuel, mérite de continuer d’exister.
Hélas! une note liminaire, au dos de la page de couverture, annonce pour la fin de cette année le point final, et c’est un nuage dans ce jour d’été. Voici le texte que je découvre, il y a quelques minutes:
“C’est à l’ombre de ce numéro en noir et blanc que nous devons annoncer une sombre nouvelle: le Bulletin cessera de paraître fin décembre. Durant sa Iongue existence la revue a connu tant de sursauts providentiels que cette information sera peut-étre accueillie avec un certain scepticisme. Mais non, vraiment cette fois c’en est fait. La campagne de mobilisation de l’an dernier nous a permis de mesurer combien les abonnés étaient attachés a leur revue, mais elle a également montré ses Iimites en termes financiers. ll n’est donc pas question de la renouveler.
"Les caisses seront plus que vides en fin d’année. La seule couleur que le Bulletin pourrait alors offrir a ses lecteurs serait le rouge de son déficit. En tant qu’entreprise éditoriale, il lui faut un minimum de capacité d’auto-financement. Elle ne l’a plus. La conclusion s’impose.
"Fallait-il le dire maintenant, dans un communiqué, publié comme en catimini dans cette maigre colonne? Oui, car c’était un devoir moral de ne pas cacher plus longtemps la situation. Mais il va de soi que Bernard Plessy et son équipe auront a coeur de témoigner, au moment des adieux, de la belle amitié que le Bulletin a vécu avec ses lecteurs.”
Au mois de mai, à quelques centaines de mètres de chez moi, la Librairie Saint-Paul (la plus ancienne de Fribourg, fondée il y a 120 ans), que je fréquentais depuis ma jeunesse, a fermé ses portes. Maintenant, il faudra dire adieu au Bulletin des Lettres aussi. Tristes évolutions dans le monde du livre… Et comme le sentiment d’un monde qui s’éloigne de plus en plus de celui auquel je suis attaché…