Sous le regard des caméras, lors de l’audience générale hebdomadaire, le pape Benoît XVI a donc envoyé hier dans le cyberespace son premier tweet. Des centaines de milliers de followers s’étaient déjà abonnés à son compte Twitter @pontifex, accessible en huit langues, et de nombreux autres sont venus s’y ajouter au fil des heures suivantes: à l’heure où sont rédigées ces lignes, le compte pontifical Twitter en anglais à lui seul a dépassé le million d’abonnés. Dans la journée, trois réponses ont été données à des questions d’internautes, parmi les innombrables adressées au Pape (beaucoup sur un ton polémique ou sarcastique). Les questions sélectionnées semblent toutes être venues de croyants catholiques.
Les images du Pape en train d’envoyer son premier tweet trahissent son manque de familiarité: Benoît XVI ne passe vraisemblablement pas ses journées à surfer. Mais cet événement médiatique bien mis en scène a été l’occasion, pour de nombreux médias, d’évoquer la présence catholique sur Internet. Je m’intéresse depuis la seconde moitié des années 1990 à l’activité religieuse en ligne: j’ai répondu aux questions de plusieurs journalistes ces derniers jours.
Je leur ai rappelé que l’intérêt de l’Église catholique pour Internet n’était pas nouveau: le site du Vatican, rajeuni l’an dernier, a été lancé en 1997; en 2002, deux documents de réflexion ont été publié sur Internet et son usage. Cela s’inscrit dans un intérêt ancien pour les moyens de communication. Après l’imprimerie et la presse, la radio, la télévision, Internet ouvre une nouvelle étape, avec une rapidité et des perspectives sans précédent: aucune religion ne peut ignorer aujourd’hui cet outil. Permettant d’atteindre instantanément des destinataires dans le monde entier, il est séduisant pour une Église qui affirme son universalité, se sent à l’aise dans un environnement global et n’entend pas se laisser limiter par les frontières nationales, malgré les aspects ambivalents d’un tel moyen de communication par rapport aux structures hiérarchiques.
S’il a un fort impact médiatique et symbolique, le tweet de Benoît XVI doit surtout attirer sur notre attention sur la multiplicité d’initiatives – tant institutionnelles qu’individuelles – que nous observons dans le monde catholique, allant de sites diocésains aux blogues de prêtres. Comme toujours sur Internet, la question cruciale est de savoir à qui l’on s’adresse et qu’attend le public cible. Il est souvent question d’évangélisation, et celle-ci a sa place en ligne; cependant, beaucoup d’utilisateurs réguliers de sites chrétiens semblent plutôt être engagés par ailleurs dans leur Église. Des expériences comme la retraite de Carême en ligne des dominicains de Lille l’ont montré, alors que l’espoir initial était d’atteindre plutôt des personnes distantes des paroisses.
Comme je l’ai souvent dit, Internet n’est pas l’avenir des religions, mais certainement l’avenir de leurs stratégies de communication. Il faut répondre aux questions que les gens se posent — et qui ne sont pas toujours celles que l’on attendrait. Je note des initiatives intéressantes pour apporter des réponses de qualité, par exemple le site multilingue (encore en phase test) Aleteia. Sans oublier qu’Internet est en développement constant et exige une attention permanente aux nouvelles tendances: il y a dix ans, Twitter n’existait pas encore…
Deux de mes publications abordant la présence de l’Église catholique en ligne:
Jean-François Mayer, Internet et religion, Gollion, Infolio, 2008.
Jean-François Mayer, “Croire en ligne: usages religieux d’Internet et catholicisme contemporain”, Transversalités (revue de l’Institut catholique de Paris), N° 116, oct.-déc. 2010, pp. 45-62.