L’an dernier, le temps était venu de remplacer un vieux matelas et un sommier qui avait fait son temps. J’ai commandé un nouveau lit — un peu plus long que le précédent, et avec un matelas d’une hauteur double. Je me suis alors rendu compte que la taille des draps de lit que je possédais s’y ajusterait mal : ni assez longs ni assez larges. Toute la literie devait être renouvelée. Pour le nouvel oreiller, j’avais recueilli dans l’armoire d’une tante décédée un stock d’une bonne dizaine de taies anciennes jamais utilisées, de belle qualité et aux dimensions parfaites — ce qui n’était pas garanti d’avance, car quelques recherches m’avaient montré la variété inattendue des tailles d’oreillers d’un pays européen à l’autre.
Mais que faire pour les draps « de dessus » ? Ceux que j’avais retrouvés en même temps que les taies n’avaient pas les dimensions requises. Et j’avais le sentiment que même des draps neufs de qualité ne m’offriraient pas ce toucher et ce poids qui font le charme de draps d’une autre époque. Puisque ma tante nonagénaire avait conservé pendant des décennies des taies neuves, qui lui venaient probablement déjà de ma grand-mère, je me suis dit que cette situation n’était sans doute pas unique et que les moteurs de recherche en ligne me permettraient de trouver des pistes pour des draps. Après quelques heures passées à explorer des sites, j’avais découvert l’existence de tout un commerce de draps et autres tissus anciens en ligne — certains datant de cent-cinquante ans ou plus, parfois avec des monogrammes. Je ne cherchais cependant pas des draps d’occasion, mais des draps anciens neufs. Il a fallu chercher un peu plus et filtrer les résultats, mais cela se trouve aussi : parfois à des prix surfaits, mais d’autres très raisonnables.
Surtout chez des vendeurs français, j’ai ainsi pu acheter des draps en coton, en lin, en mélange lin et coton… Chacun de ces draps portait encore les étiquettes d’origine, attestant leur état neuf, bien que tissés il y a plusieurs dizaines d’années. Le graphisme de ces étiquettes, dont des exemples illustrent ce billet, évoque les années 1950 ou le début des années 1960, apportant un sceau d’authenticité plaisamment désuet à ces draps. Quelques-uns montrent des traces de stockage, voire une petite tache jaune laissée ar un vieux papier collant. Parfois, un prix est encore présent sur l’emballage — en anciens francs français. Sans doute certains de ces draps avaient-ils été achetés par des personnes qui les laissèrent dans une armoire, en réserve, sans les utiliser. D’autres appartenaient probablement aux fins de stock de magasins vieillissants, fermés pendant des années ou des décennies, puis finalement liquidés. Grâce aux possibilités offertes par des particuliers ou de petits commerçants en ligne, ces draps oubliés réapparaissent pour répondre à des attentes comme les miennes, alors qu’une recherche de ce genre aurait été bien plus malaisée et incertaine il y a trente ans encore.