Plusieurs médias en ont parlé, souvent sur un ton amusé: le Hirtenbarometer est un site allemand permettant à chaque fidèle qui le désire de donner des notes aux membres du clergé: les “brebis” évaluent leurs “pasteurs”, d’où le nom du site. Quatre Églises figurent pour l’instant dans la liste: les catholiques romains, les protestants, les orthodoxes russes et les orthodoxes grecs. Mais parmi les milliers d’ecclésiastiques recensés, la plupart n’ont pas encore reçu de note, ou un nombre insuffisant d’évaluations. En revanche, toutes les figures connues ont eu droit à des commentaires.
Les évaluations portent sur la façon de célébrer, sur la crédibilité, sur la capacité à répondre aux défis de notre temps, sur le travail avec la jeunesse et sur le travail avec les personnes âgées. Les notes obtenues dans chacun des domaines d’activité fournissent ensuite une moyenne. Mais le visiteur du site sera surtout curieux de lire les commentaires. Tel évêque est qualifié de “faible” par un fidèle, tandis qu’‘un autre le juge plutôt “mieux que beaucoup de ses collègues”. Selon les responsables du site, il s’agit de noter la qualité du travail de chaque ecclésiastique. Dans la réalité, cependant, beaucoup de commentaires laissent entrevoir des évaluations en partie fondées sur les préférences et orientations personnelles de chaque fidèle, ce qui peut conduire à des opinions diamétralement opposées sur le même personnage.
Au premier abord, la réaction est de se dire que l’initiative relève plutôt de l’anecdote. À la réflexion, cependant, il est révélateur de tendances à l’œuvre dans le tissu religieux des pays européens. Le fidèle tend à se comporter, sinon en “consommateur” choisissant les “produits” qui lui conviennent le mieux, en tout cas en croyant choisissant ce qui répond à ses aspirations: selon les animateurs du site, celui-ci pourrait notamment permettre de choisir une communauté, par exemple lors d’un déménagement, mais pas seulement; l’appartenance “naturelle” à une paroisse sur une base territoriale appartient de plus en plus au passé.
Surtout, le “baromètre du clergé” démontre à nouveau, s’il était encore besoin, comment l’existence d’Internet change les rapports entre clergé et fidèles ainsi que les règles du jeu, par un effet de mise à plat: les responsables religieux doivent compter, jusque parmi leurs ouailles, avec des initiatives sur lesquelles n’existent aucune possibilité de contrôle, mais qui contribuent à exercer une pression et sapent le statut traditionnel du clergé, transformant prêtres et pasteurs en figures comme les autres, que chaque fidèle peut “noter” à sa guise.