J’étais étudiant à Lyon quand j’ai découvert pour la première fois un homonyme : des affiches annonçaient une exposition d’un peintre portant le même nom que moi. Cela me valut quelques félicitations d’amis surpris de découvrir ce talent inconnu (je démentis honnêtement) et un quiproquo auprès d’une libraire d’ancien à laquelle j’avais adressé un courrier. Par la suite, durant de longues années, ma route ne croisa plus celle d’homonymes — à l’exception d’un Français auteur d’un livre sur la théorie du cyclisme, classé avec les miens dans certaines bibliothèques — encore un talent inconnu ! Dans le répertoire téléphonique suisse, je reste le seul Jean-François Mayer. Bien sûr, avec Internet, j’ai commencé à découvrir quelques homonymes dans différentes régions du monde. Et l’an dernier, dans un hôtel de Lausanne, j’ai failli être confondu avec un client français portant mon nom et déjà enregistré dans leur système.
À la fin du mois de juin, j’ouvre mon journal quotidien local, La Liberté. En parcourant le courrier des lecteurs, j’y trouve une lettre signée par… Jean-François Mayer, évoquant les grandes chaînes commerciales écrasant les petits magasins. Même si je suis plutôt d’accord avec le contenu de ce texte, je n’en suis pas l’auteur. La signature est suivie du nom d’une localité voisine : le lecteur attentif aura deviné qu’il ne s’agissait pas de moi, à condition de savoir où je réside. Mon homonyme n’apparaît pas dans l’annuaire téléphonique : je ne sais donc rien de lui et j’ignore son adresse.
Au début de ce mois, lors du colloque de la Société internationale de sociologie des religions (SISR), je présente une communication (sur l’affaire des minarets en Suisse) devant quelques centaines de chercheurs. Après la séance, je vois s’approcher un universitaire au nom slave, qui fait référence à un échange de courrier électronique que nous aurions eu récemment. Son nom ne me dit rien, et j’essaie désespérément de me souvenir de cette correspondance. Il m’explique qu’il s’agit d’un article que j’aurais promis d’écrire sur le Christiade au Mexique. Je ne suis jamais allé au Mexique et je n’ai aucune compétence sur cet épisode historique. Voyant mon étonnement, mon interlocuteur me dit : « Mais vous êtes pourtant bien Jean-François Mayer ? » Soudain, je devine le quiproquo : à l’Université Concordia (Montréal) enseigne un professeur de sciences politiques, spécialiste d’études latino-américaines, qui porte le même nom que moi (et également une petite barbe), mais que je n’ai pas l’honneur de connaître. Soulagé, j’explique le malentendu à mon correspondant fantôme, qui admet : « C’est vrai, vous ne ressemblez pas à la photo sur le site. »