En 2013, le Centre d’information sur les croyances (CIC) avait mené à bien un remarquable projet d’inventaire des communautés religieuses à Genève, produisant à cette occasion un site avec une carte interactive très bien faite ainsi qu’une brochure d’accompagnement, D’église en ashram. Le 19 septembre 2018, le CIC a présenté au public les premiers résultats d’une initiative semblable pour établir une cartographie des communautés religieuses dans le canton de Vaud, réalisée à la demande des autorités cantonales vaudoises, avec le défi de couvrir un territoire beaucoup plus étendu. Ce travail est complété par une enquête photographique menée par des étudiants de l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL), présentant leur regard visuel sur dix-sept communautés, avec un beau diaporama notamment. Cette exposition est ouverte jusqu’au 11 novembre 2018 à l’Espace Arlaud, à Lausanne, et une publication devrait suivre en 2019.
Le mot « communauté » est entendu ici comme « un groupe de personnes qui partagent les mêmes croyances et se réunissent régulièrement dans le même lieu de culte. Dans cette acception, chaque paroisse réformée ou catholique constitue une communauté. La recherche dénombre 785 communautés (se réunissant dans 647 lieux de culte), soit une pour 1.000 habitants, ce qui est à peu près équivalent à la densité observée dans le canton de Genève. 91 % des communautés sont chrétiennes. Cette dominante chrétienne est frappante aussi du point de vue des édifices : en dehors de la synagogue de Lausanne (1910) et d’un centre taoïste en construction, tous les bâtiments construits spécifiquement à l’usage du culte sont chrétiens. Un quart de l’ensemble des lieux de culte sont installés dans d’anciens espaces commerciaux, lieux d’habitations, garages, hangars, etc., aménagés pour les besoins d’une pratique religieuse, révèle l’enquête. Les auteurs notent qu’il existe même une communauté évangélique qui se réunit chaque dimanche dans une boîte de nuit de Lausanne.
En raison de son héritage historique de confession d’abord presque exclusive (après la Réforme), puis dominante dans le canton, il n’est pas étonnant d’apprendre que l’Église réformée représente 48 % des communautés recensées (347 lieux de culte), tandis qu’on en compte 19 % pour les catholiques romains (134 lieux) et 12 % pour les évangéliques (96 lieux). Mais cette implantation territoriale et le nombre des lieux de culte ne correspondent plus aux réalités statistiques des membres : les catholiques romains représentent aujourd’hui 30 % de la population (à égalité avec les personnes sans confession), tandis que les protestants ne sont plus que 24 % dans le canton. Outre les groupes religieux à proprement parler, l’enquête a fait le choix d’inclure des groupes spirituels et ésotériques. Certains sont vieillissants ou ont disparu, mais la franc-maçonnerie demeure bien active avec une trentaine de loges dans le canton.
Outre la variété chrétienne européenne et l’existence de groupes ésotériques, ce sont bien entendu des communautés issues de migrations qui viennent apporter un chatoiement à la diversité religieuse dans le canton. Ainsi, il existe vingt-quatre communautés musulmanes, principalement originaires des Balkans et de la Turquie, mais incluant aussi un groupe de mourides africains et un centre chiite. On dénombre douze communautés bouddhistes, dont l’une fondée par des Suisses convertis qui se retrouvent dans une pagode vietnamienne (installée dans une villa).
Il faut se réjouir de voir des enquêtes de ce genre nous fournir une image des paysages spirituels locaux et cantonaux. Notons que l’intérêt des autorités vaudoises pour un tel projet révèle bien sûr un désir de mieux savoir quelle est la présence religieuse dans le canton, mais que cette approche est foncièrement positive : comme l’a rappelé la conseillère d’État Béatrice Métraux lors du vernissage de l’exposition, les communautés religieuses sont perçues comme créatrices de lien social et contribuant à l’intégration.