Apparu à partir de 1838, le mouvement Tenrikyo est l’une des plus importantes “nouvelles religions” historiques du Japon. Elle a sa propre doctrine et ses rituels. Son centre de Tenri est un lieu de pèlerinage pour les fidèles: ce serait en effet “le berceau de toute l’humanité”. J’avais eu l’occasion de le visiter en 1989, en compagnie de mon collègue Massimo Introvigne, qui se trouvait au Japon au même moment. J’étais notamment intéressé par l’élan missionnaire international précoce de ce mouvement, qui avait envoyé dès 1910 des représentants en Europe (avec un faible écho) et publia dans les années 1930 déjà un périodique en trois langues (allemand, français, anglais). Il faut dire que Tenri abrite depuis 1925 un institut de langues étrangères. Aujourd’hui, il existe des groupes de Tenrikyo dans plusieurs pays européens.
Depuis des années, je reçois une revue d’études universitaires publiée par Tenrikyo, le Tenri Journal of Religion. Dans le dernier numéro (N° 39, oct. 2010), j’ai lu un intéressant article de Masahiko Okada. Cet article m’apprend que Shozen Nakayama (1905-1967), qui dirigeait Tenrikyo à cette époque (et s’intéressait beaucoup à l’histoire des missions catholiques en Asie), présenta en 1928 à l’Université impériale de Tokyo une thèse sur son propre mouvement. Cette recherche se fondait sur une importante enquête quantitative, qui fut l’une des études pionnières de sociologie religieuse au Japon. Situation pour le moins inhabituelle que celle du responsable d’un groupe religieux menant une étude sur celui-ci — mais cela signifiait aussi un accès privilégié: le taux de réponse du questionnaire qu’il envoya aux responsables locaux et aux missionnaires de Tenrikyo s’éleva à 91,5% (12.480 réponses au total), un chiffre qui peut faire rêver quiconque a une expérience d’enquêtes quantitatives…
Parmi les résultats évoqués dans l’article d’Okada, un point a retenu mon attention. Si 20% disaient avoir rejoint la voie de Tenrikyo parce qu’ils avaient reçu ce message de leurs parents, et un peu moins de 12% parce qu’ils avaient été touchés par les enseignements, plus de 61% déclaraient avoir adhéré à Tenrikyo à la suite d’une expérience de maladie, c’est-à-dire le salut considéré comme miraculeux d’eux-mêmes ou d’un de leurs proches grâce à Tenrikyo. En revanche, interrogés pour savoir pourquoi ils se sont engagés dans l’action missionnaire, la principale réponse (près de 35%) est de vouloir ainsi contribuer à la rédemption. La fondatrice du mouvement Oyasama, l’avait déclaré: “En sauvant les autres, vous êtes sauvés.” Ainsi, la résolution d’un problème personnel débouche sur une compréhension plus profonde que la volonté d’échapper aux maux physiques et conduit en même temps les croyants à passer du désir de leur propre salut à l’aspiration au salut du monde. Le modèle présenté ici par Tenrikyo en 1928 peut trouver des applications à bien d’autres contextes religieux.
Tenri Journal of Religion, Oyasato Institute for the Study of Religion, Tenri University, 1050 Somanouchi-cho, Tenri, Nara, 632-8510, Japon.