« Dis, Siri… » Je n’utilise pas l’assistance vocale de mon iPhone. J’ai l’impression qu’il me comprend souvent de travers, ou que je puis trouver plus efficacement ce que je cherche sans passer par cet intermédiaire. Pourtant, comme beaucoup d’autres utilisateurs, je ne manque pas de configurer les commandes vocales quand je fais l’acquisition d’un nouvel appareil. Sans jamais réfléchir à ce que cela implique peut-être.
« Adressez-vous à Siri comme à un ami et il vous aidera à faire toutes sortes de choses. Envoyer des messages, passer des appels, découvrir la constellation d’Orion, tirer à pile ou face… » C’est ce qu’affirme la publicité d’Apple. Siri aurait réponse à tout, ou presque…
Il y a quelques jours, je ne sais plus où (dans un journal ou sur un site), j’ai lu quelques remarques sur les conséquences inattendues du fonctionnement d’assistants vocaux, toujours actifs pour répondre avec empressement à nos demandes : ainsi, l’assistant vocal d’Amazon aurait déjà valu quelques commandes involontaires de produits par des clients, qui avaient commis l’erreur d’exprimer trop explicitement leurs attentes devant leur « ami » électronique… Siri était mentionné au détour de l’article.
Ce matin, j’ai décidé d’en avoir le cœur net. J’ai placé devant moi mon téléphone éteint. J’ai prononcé la phrase magique : « Dis, Siri… » Et aussitôt, tel le génie sortant de sa lampe, Siri m’a demandé ce qu’il pouvait faire pour moi.
Et si je passe en mode avion ? L’écran du téléphone s’active aussi, mais pour expliquer que Siri n’est pas disponible, car il ne peut se connecter à Internet.
Ainsi, même éteint, mon téléphone m’écoute en permanence, afin de me permettre de m’adresser à lui « comme à un ami ». S’il était programmé pour le faire, il pourrait théoriquement aussi transmettre (en temps réel ou non) tous mes propos, émis à distance audible, à un surveillant à distance.
D’un seul coup, j’ai eu l’impression de m’être docilement équipé moi-même des moyens pour être espionné. Ou de me retrouver insidieusement sur la même voie que les astronautes du classique film 2001, l’Odyssée de l’espace, avec un appareil encore plus puissant que l’ordinateur Hal 9000, qui se substitue aux humains pour tenter de prendre la contrôle de la mission spatiale.
Je ne suis pas paranoïaque, je ne crois pas qu’Apple (ou quelqu’un d’autre) veuille passer ses journées à m’écouter et je n’imagine pas être surveillé — tout au plus par des spécialistes de marketing qui essaient d’établir mon profil ciblé… À défaut de faire vœu de silence (Siri chez les moines trappistes !), la prochaine fois que je devrai dire à un interlocuteur quelque chose de vraiment confidentiel, je mettrai pourtant quelques épaisseurs de mur entre mon smartphone et moi…
… Mais non, voyons, Siri, il ne faut pas mal prendre ma remarque !… Je ne voulais pas te vexer !… Bien sûr que tu es mon ami !… « Dis, Siri… si je suis sage et que j’obéis bien à l’avenir, tu promets de ne rien rapporter à tes employeurs sur mes confidences imprudentes et mes propos politiquement incorrects ?… »