Depuis quelques années, ce magasin devant lequel je passe souvent semble en liquidation permanente. Mais cette fois-ci, les choses semblent devenir sérieuses. « Aidez-nous ! » implore ou enjoint une affichette dans la vitrine. Et avec les moyens du bord, le commerçant a juxtaposé des feuilles pour créer un message-choc : « Prix de fin du monde ».
Le commerçant n’entend certainement pas son message au sens littéral, même s’il est vrai que la fin d’un commerce (pour autant qu’elle soit bien réelle cette fois-ci) représente une sorte de fin d’un monde pour celui que le dirige. La vitrine révèle surtout la surenchère dans le matraquage publicitaire : il faut frapper toujours plus fort et multiplier les superlatifs émoussés pour avoir une chance d’attirer l’attention de clients. La fin du monde, c’est le temps des bonnes affaires !
Mais mon intérêt pour les phénomènes millénaristes s’est tout de suite réveillé, alors que je cheminais banalement vers un restaurant. Oui, que faire si l’on est commerçant, agriculteur, artisan, et qu’on est convaincu que le monde tel que nous le connaissons disparaîtra dans un avenir très proche, pour laisser place à un nouveau monde meilleur dans lequel les valeurs ne seront plus les mêmes ? Dans l’histoire des millénarismes, jusqu’à l’époque contemporaine, il ne manque pas de cas d’agriculteurs qui ont cessé de cultiver, d’employés qui ont donné leur congé, de personnes qui ont tout distribué ou tout bradé à des prix dérisoiresà la veille du grand retournement auxquels ils croyaient avec ferveur. Si le monde devait finir demain, quel intérêt à vendre et à acheter, en effet, et que vaudraient encore ces marchandises ? Même pas les 5 francs (au lieu de 55 !) de l’« offre de la semaine » de la publicité dans la vitrine. Finalement, c’est encore trop cher pour des prix de fin du monde.