Je lis rarement de la poésie, malheureusement : trop d’autres livres attendent déjà sur mes rayons. Je ne connais donc guère les poètes contemporains, et moins encore les poètes suisses alémaniques. Et je n’aurais jamais entendu parler d’Urban Gwerder (1944-2017) si mon attention n’avait été attirée par une notice nécrologique à son sujet, intitulée « Insatiable soif de vie », dans la Neue Zürcher Zeitung (25 juillet 2017). La NZZ est un quotidien de référence, qui publiait encore trois éditions quotidiennes (différentes) à l’austère présentation dans les années 1960 : le matin, l’après-midi et le soir ! À cette époque, le jeune poète désargenté fit plusieurs fois irruption dans la rédaction ce sérieux journal zurichois en annonçant : « J’ai besoin d’argent, voici des poèmes. » Il recevait une avance d’honoraires et le journal imprimait ses poèmes.
Cette histoire m’a ravi. Certes, un rédacteur appréciait ses talents et entendait ainsi l’aider (tout en lui conseillant d’apprendre à mieux se comporter en société, « gesellschaftsfähiger zu werden »). Mais je me demande combien de journaux seraient prêts aujourd’hui à imprimer des poèmes aussi cavalièrement soumis par leur auteur, et en plus à le rémunérer pour cela !
Le poète doit-il être famélique et désargenté pour créer ? Espérons que non. Il ne doit pas y avoir, en Europe, beaucoup de poètes qui vivent de l’écriture. C’est un problème plus général pour les artistes : plus d’un jeune musicien a fait l’expérience d’être invité à donner un petit concert par des gens qui oublient parfois qu’un salaire décent serait bienvenu. Même s’il prend du plaisir à exercer son art, l’artiste doit y mettre des efforts et il lui faut bien vivre, pourtant. À moins de rencontrer un mécène — ou de connaître un rédacteur de la NZZ dans les années 1960…
Je profite de ce billet pour signaler le dernier recueil de poèmes que j’ai lu, ce printemps. Il s’agit d’un choix de poèmes soumis au jury du Concours de la Feuille de Chêne, à Lausanne, un concours lancé en 2016 avec la soutien de la Fondation Marcel Regamey. Le cahier de 62 pages contient de beaux poèmes d’Edouard de Perrot, de Philippe Sudan, de Jacques Küpfer, de Michel Barras et de Dulio.
Pour plus de renseignements sur le Concours de la Feuille de Chêne ou pour commander le recueil:
www.feuille-de-chene.ch