Une personne avec laquelle je suis en contact sur les réseaux sociaux a reposté un message de la communauté Facebook «Ordre Secret du Temple». Cet Ordre a également un site: il se réfère à la Commanderie du Chevalier Hérail des Templiers de Provence et à l’Église Apostolique Templière – Succession du Pape Benoît XIII. La page Facebook donne des nouvelles du mouvement: au mois de février, une nouvelle commanderie aurait été ouverte à Bergerac, tandis que «la Commanderie Sub Rosa de Bordeaux aurait rejoint la Massénie Saint Hilaire de Niort, qui regrouperait maintenant trois Commanderies et deux Ermitages»; la commanderie de Toulouse s’installe dans de nouveaux locaux. «L’Ordre Secret du Temple forme des Chevaliers-Prêtres, alchimistes aguerris en la voie sacerdotale.» Le site exprime le désir de «de regrouper les Templiers en errance, c’est à dire sans Ordre ni Commanderie». Impossible de savoir quelle réalité communautaire se trouve derrière ce groupe. Avec les réserves d’usage, je me borne à reproduire ses propres informations (septembre 2015):
«Les 24 commanderies de l’Ordre Secret du Temple comportent actuellement 14 membres en moyenne. 3 d’entre elles dépassent les 20 membres. Si un groupe en formation est inférieur à 3 membres il s’appelle Ermitage et non Commanderie. 7 ermitages sont aujourd’hui en chemin de devenir des Commanderies. Les Massénies sont des regroupement de plusieurs commanderies. Les Massénies dépassent 17 membres. Aujourd’hui 3 Massénies sont en formation dans notre Ordre.»
En fait, seules m’intéressent ici les raisons conduisant un ordre «secret» à utiliser Internet et les réseaux sociaux pour communiquer, pour se faire connaître, pour essayer de trouver des personnes désirant le rejoindre.
Si j’étais responsable d’une société véritablement secrète, je ne la présenterais pas en ligne, ou en tout cas pas comme telle. Je ne lui donnerais peut-être même pas de nom; si elle en avait un, il ne contiendrait pas le mot «secret». Si une impérative nécessité me contraignait de donner à cette société secrète une façade publique ou une structure lui servant de couverture, j’imaginerais une dénomination aussi anodine que possible: quelque chose comme Association littéraire et culturelle ou — s’il fallait une «légende» religieuse — Cercle pour la récitation du chapelet. Rien qui attise trop la curiosité.
Bien sûr, mes interrogations sont naïves: le secret est un argument publicitaire. L’adjectif veut précisément éveiller la curiosité, le désir de savoir et de découvrir ce qui est secret. Cela ne fait pas simplement appel à l’espoir que le secret soit aussi un canal de pouvoir (spirituel ou politique): l’évocation du «secret» fait naître en nous l’exaltation d’appartenir au petit groupe des initiés ou des conspirateurs. Combien d’adolescents ont rêvé d’être membres d’une société secrète ou ont tenté d’en constituer une avec des camarades de leur âge! Et ce n’est pas parce qu’on devient adulte que le secret cesse de fasciner.
Mis en avant, le secret — en théorie protecteur du groupe — devient paradoxalement à la fois le cœur supposé de la quête, derrière de multiples voiles, et l’emballage attirant sous lequel le message est offert.
Dans la même ligne, je rappelle mon billet de juillet 2013, «À quoi sert le secret?»