Depuis les incidents de Charlottesville, une épidémie d’élimination de monuments rappelant la mémoire du camp confédéré de la guerre de Sécession fait rage aux États-Unis. Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet, mais les complexes questions d’histoire et de mémoire que soulève cette vague épurative demanderait de plus longues réflexions qu’un court billet. Dans la masse des articles publiés quotidiennement autour de ce thème, j’apprends aujourd’hui que les cas de drapeaux à croix gammée flottant sur des maisons se multiplieraient aux États-Unis. En lisant l’article de Mashable sur le site de France 24, on peut voir des photographies de plusieurs exemples signalés sur les réseaux sociaux, à vrai dire antérieurs pour la plupart à août 2017. L’un retient particulièrement mon attention : non seulement le drapeau à croix gammée flotte à côté du drapeau américain, mais il est suivi d’un autre drapeau que je ne parviens pas à identifier tout de suite (il s’agit de celui des marines) et… du drapeau du Vatican ! En voyant cette bizarre juxtaposition de patriotisme américain, de national-socialisme (je le pensais du moins) et de catholicisme, je me suis dit qu’il y aurait peut-être matière à un billet sur les bricolages idéologiques. Je me suis cependant fait un devoir d’aller vérifier d’abord, d’autant plus que la photographie datait de 2013.
Heureuse prudence ! En moins d’une minute, j’ai découvert plusieurs articles sur cette affaire. Le propriétaire de la maison n’était pas un militant néo-nazi, mais un ancien marine septuagénaire, qui avait décidé en 2013 (un peu naïvement peut-être…) de hisser le drapeau à croix gammée à côté de celui des États-Unis d’Amérique pour mettre en garde contre la dérive totalitaire à laquelle, selon lui, conduisait la politique du président Obama. Pour notre homme, placer les deux drapeaux côte à côte devait mettre en lumière la concurrence entre les idéaux américains et le supposé totalitarisme gouvernemental. Il ne décrocherait le drapeau que lorsque le président Obama démissionnerait ou changerait de politique. Face aux réactions du voisinage, il annonça qu’il avait commandé un drapeau israélien et le placer à côté des autres, afin de bien démontrer qu’il n’était nullement antijuif : on peut douter que cela aurait vraiment calmé la situation… Finalement, l’irritation de ses voisins et la publicité donnée à son initiative décidèrent ce septuagénaire, qui n’était certainement pas un génie de la communication, à renoncer à arborer le drapeau à croix gammée…
Ainsi, ce qui aurait dû être un billet sur les confusions idéologiques est devenu une petite pièce de plus au dossier toujours actuel des images et de leur signification — pas toujours celle à laquelle on aurait d’abord pensé. Et une occasion de plus de rappeler la nécessité de vérifier toujours ce qui se trouve en ligne en remontant à la source, si celle-ci est peu claire. En tout cas, cette image est utilisée à tort pour soutenir que de plus en plus de sympathisants néo-nazis font flotter leur drapeau devant des maisons américaines.