La semaine dernière, dans la belle ville de Saint-Gall, en Suisse orientale, j’attendais l’heure d’une rendez-vous et, pour patienter, suis entré dans l’église protestante de Saint-Laurent. Au fond du hall d’accès à l’édifice, un livre était offert gracieusement aux visiteurs intéressés: l’histoire et la situation actuelle de la communauté réformée de Saint-Gall de 1859 à 2009. Impénitent amateur de livres, je n’ai pas résisté à l’invite et ai profité du voyage de retour pour lire ce volume.
En dehors de l’intérêt d’histoire locale, le livre offre des aperçus sur des débats qui ont traversé les Églises protestantes à l’époque contemporaine ou sur l’évolution de pratiques. Et rien de tel que des cas concrets ou des monographies pour saisir des débats et des transformations, par delà le cadre locale. J’en retiens deux exemples, qui m’ont frappé durant ma lecture de ces quelques dizaines de pages.
Tout d’abord, les débats entre croyants libéraux et tenants d’un christianisme qualifié de “positif” ou “orthodoxe”: le rationalisme des Lumières avait exercé une forte influence sur le protestantisme urbain de Saint-Gall. En 1849, les projets de la commission liturgique synodale sont critiqués en raison de l’invocation adressée exclusivement au Christ durant les prières festives (p. 21): ces prières sont dénoncées comme une tentatives “d’introduire de façon tendancieuse le dogme de la divinité du Christ” (sic). Rien d’étonnant si des mouvements piétistes ou de réveil ne pourront se retrouver dans un cadre religieux où s’expriment de telles vues. Tant bien que mal, croyants de différentes orientations continueront de coexister, parce que liberté sera laissée aux pasteurs et aux communautés d’utiliser ou non des textes tels que le Symbole des Apôtres. En ville de Saint-Gall, les fidèles peuvent se tourner vers des pasteurs “libéraux” ou “orthodoxes”: selon leurs préférences, ils savent quel prédicateur aller écouter.
Un fidèle protestant du XIXème siècle qui serait soudain revenu à Saint-Gall un siècle plus tard et serait entré dans l’église Saint-Laurent lors d’un culte aurait été surpris de voir hommes et femmes assis sur les mêmes bancs. En effet, en 1923, l’assemblée paroissiale décida que la séparation des sexes durant les services religieux serait abolie. Dans les paroisses rurales du canton, cependant, la pratique pour les femmes et pour les hommes d’occuper des sections séparées de l’église se maintint plus longtemps. (P.S.: Bien des paroisses catholiques ont connu cette tradition jusque dans les années 1960; certaines paroisses orthodoxes la conservent.)
Christoph Rohner et Peter Willi (dir.), C – 150 Jahre Evangelisch-reformierte Kirchgemeinde St. Gallen C, Saint-Gall, VGS Verlagsgemeinschaft St. Gallen, 2009.