Depuis le mois de novembre 2015, je me suis engagé pour soutenir la rédaction de RTSreligion (émissions d’information religieuse de la Radio Télévision Suisse, RTS), à l’heure où elle s’est trouvée frappée par de soudaines coupures budgétaires qui mettent potentiellement en péril la poursuite de son travail d’information religieuse. Comme je l’ai expliquédans un autre article, même si RTSreligion est le résultat de la collaboration des services médias des Églises catholique romaine (Cath-Info) et réformée (Médias-pro) en Suisse romande dans le cadre d’un partenariat avec la radio-télévision de service public, leur travail en est arrivé à offrir, à côté des services liés à leurs Églises respectives (par exemple les retransmissions télévisées et radiophoniques de messes et de cultes), un véritable service d’information sur les religions, et pas seulement sur les communautés chrétiennes. Cela n’était pas inscrit dès le départ dans les gènes de ces structures: sans doute la collaboration entre des journalistes issus de deux confessions a-t-elle créé un terreau favorable. Peut-être pourrait-on esquisser une analogie avec l’évolution d’organisations humanitaires liées à des groupes religieux: au fur et à mesure qu’elles se professionnalisent, elles en arrivent à fonctionner en répondant à des impératifs identiques à ceux de leurs homologues séculiers.
Mais je vois apparaître dans le débat autour de l’avenir de la rédaction de RTSreligion une question, qui a affleuré aussi ce matin durant le débat auquel j’ai participé dans le cadre de l’émission Médialogues: dans un environnement où le paysage des croyances est morcelé (en comparaison avec l’appartenance massive – au moins formellements – à la tradition chrétienne il y a une cinquantaine d’années encore en Suisse), une rédaction dont les journalistes ont un arrière-plan confessionnel représente-t-elle la bonne solution pour des médias de service public, alors que près de 25 % de la population se déclare sans appartenance religieuse?
La question est pertinente. Après tout, j’ai lancé en 2002 le site Religioscope en partie parce que je voyais la nécessité de développer dans l’espace francophone un (modeste) effort d’information sur les religions non lié à des démarches confessionnelles. Développer une offre rédactionnelle sur une base non confessionnelle n’exclurait pas, en parallèle, une offre confessionnelle spécifique, à commencer par la retransmission de cultes et de messes, dans un pays où 65 % de la population se réclame encore du catholicisme romain ou du protestantisme (sans compter les évangéliques et chrétiens orthodoxes), selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique. Ceux qui soutiennent RTSreligion comprennent à la fois des personnes attachées à leur identité confessionnelle et d’autres qui ont un intérêt pour les thèmes religieux sans attachement confessionnel.
L’argument serait recevable… si la RTS ne venait de décider il y a quelques mois de réduire le budget de RTSreligion! En effet, à la part de la RTS s’ajoute une contribution appréciable venant des Églises, à travers Cath-Info et Médias-Pro. Si la RTS décidait de faire de RTSreligion une rédaction spécialisée avec une capacité équivalente, mais sans partenariat avec les Églises, elle pourrait donc encore moins réduire drastiquement le budget de RTSreligion et assurer son mandat d’information!
La rédaction de RTSreligion a eu l’intelligence de développer une information qui dépasse nettement le cadre des Églises établies et du christianisme, et qui s’intéresse aux autres religions ainsi qu’à des démarches spirituelles en dehors des cadres religieux classiques, aboutissant à une couverture de l’actualité qui tient compte à la fois de la réalité d’un héritage qui a marqué le pays et d’un paysage religieux transformé. Il serait possible de développer encore ce second pan: mais la diminution des moyens attribués à la rédaction de RTSreligion ne peut que compromettre tout effort dans cette direction, car aucun autre groupe religieux en Suisse romande n’a les moyens d’apporter sa contribution. La situation actuelle n’est certainement pas figée pour l’éternité; mais pour l’instant, il faut bien dire qu’elle arrange tout le monde, car elle permet à la RTS de disposer d’une rédaction religieuse spécialisée probablement unique en son genre dans le monde francophone, ce qui n’aurait pas été possible sans le partenariat avec Cath-Info et Médias-Pro. Ce n’est vraiment pas le moment d’affaiblir une telle offre. Souhaitons que les négociations en cours permettent de trouver une issue constructive.