Rapide déplacement pour un colloque à Tbilissi, capitale de la Géorgie, il y a une semaine. Je n’étais jamais allé en Géorgie. Le premier soir, j’ai aimablement été invité à un plaisant repas par un Français qui réside dans ce pays. En regagnant mon hôtel, un peu après 22h, sur une grande avenue, je vis soudain marcher résolument vers moi une jeune fille souriante, les bras grands ouverts. Je la reçus dans mes bras pour une grande accolade, après quoi elle me quitta sans mot dire et se fondit dans la foule.
Mon accompagnateur m’assura que ce n’était pas une scène fréquente. Assez lucide pour ne pas imaginer que cet enthousiasme aurait été causé par mon charme irrésistible, j’émis la supposition d’un pari : peut-être la charmante inconnue avait-elle été mise au défi d’embrasser un passant étranger dans la rue ? En tout cas, ce n’était pas une arnaque — interrogation qui vint à mon esprit durant une fraction de seconde aussi : j’imaginais, par exemple, un homme furibard qui m’aurait ensuite abordé en m’accusant d’avoir mis en danger l’honneur de sa sœur et en réclamant une substantielle compensation financière !
Cela me rappelle une mésaventure survenue il y a vingt ans, à Chypre. Dans l’avion, je m’étais fait un devoir de lire un guide pour les voyageurs. Celui-ci vantait l’hospitalité des Chypriotes et soulignait qu’il ne fallait jamais refuser une invitation à boire un café, car cela serait une grave offense. Ce conseil en mémoire, je sortis de mon hôtel pour découvrir Larnaca. À peine avais-je marché quelques mètres qu’une dame, assise devant un restaurant, s’adressa à moi. Elle me demanda d’où je venais, se dit ravie de savoir que j’étais francophone, car elle désirait apprendre cette langue, et m’invita à venir boire un café dans son restaurant. Je lui promis de m’y arrêter au retour de ma promenade.
Une heure plus tard, je pénétrai dans l’établissement presque désert, dont la lumière me parut étrangement tamisée — mais cela arrive parfois dans des pays ensoleillés. Je m’assis au bar et commandai une boisson, tandis que la patronne, en conversation avec un client, m’adressa un petit signe. Quelques secondes plus tard, j’eus la surprise de voir s’asseoir sur le siège voisin une jeune femme au regard las, qui commença sans mot dire à me caresser les jambes. En un éclair, je compris dans quel type d’établissement j’avais mis les pieds et je procédai à un retrait rapide vers mon hôtel, en laissant sur le comptoir plus qu’il n’en fallait pour le paiement de ma boisson ! De telles expériences m’ont enseigné la prudence — et appris qu’il ne faut pas suivre à la lettre les guides de voyage. À Tbilissi, j’ai été heureux de voir qu’il n’y avait nulle intention maligne derrière un hugging inattendu.