Cette correspondante inconnue avait écrit il y a un ou deux ans à l’un des sites dont je m’occupe pour demander un renseignement qui semblait anodin — une adresse, sauf erreur. Je lui avais répondu. Cela me valut de commencer à recevoir régulièrement des messages au contenu de plus en plus délirant, adressés à une vingtaine de correspondants (communautés religieuses, services de police, etc.). La capture d’écran ci-dessus en donne quelques intitulés qui se passent de commentaires. Parfois plusieurs messages par jour… Les tentatives de retour à l’expéditeur ne produisant aucun effet, j’ai fini par programmer la déviation automatique de tous les messages de cette correspondante vers la boîte contenant le pourriel, purgée régulièrement.

En la contrôlant récemment, j’ai constaté que les messages de cette inconnue s’étaient subitement interrompus à la fin du mois de mai. Deux ou trois allusions à des rencontres avec des psychiatres parsemaient les plus récents : il n’est pas difficile de deviner que ce délire de persécution de longue durée a fini par valoir à cette personne un séjour en maison de santé. Espérons qu’elle en sortira apaisée : il est toujours triste de voir de pareilles dérives et d’imaginer les angoisses et souffrances que cela entraîne pour les esprits troublés.

En raison des sujets qui m’intéressent, j’ai plus d’une fois été confronté à des demandes provenant de personnes perturbées. À l’époque où je répondais encore aux appels téléphoniques, il m’est arrivé de passer une ou deux heures à écouter et à tenter de calmer des gens qui me racontaient des histoires pour le moins bizarres — même si certains cas pouvaient être présentés de façon crédible à première vue. Je me souviens encore d’un homme qui m’avait appelé de Genève pour m’expliquer être poursuivi partout par les membres d’une secte à l’accoutrement bizarre, qui avaient envahi la ville et lui envoyaient même des ondes pendant qu’il se trouvait au cinéma, sans parler des hélicoptères qui volaient au-dessus de lui pour le surveiller. Délicatement, puisqu’il me décrivait les effets physiques de ces ondes, je lui suggérai d’aller voir un médecin qui pourrait évaluer ses symptômes. « Mais bien sûr, je suis allé voir un médecin. » — « Très bien. Que vous a-t-il conseillé ? » — « Il m’a recommandé de me rendre à la clinique psychiatrique. » — « Bonne idée ! Y êtes-vous allé ? » — « Oui… mais j’ai découvert que la secte avait pris le contrôle de l’hôpital ! »

Un policier m’avait un jour raconté avoir mieux manœuvré que moi pour apaiser une dame qui l’appelait chaque jour à son bureau pour se plaindre de mystérieux individus qui lui envoyaient des ondes. Il lui intima : « Cette nuit, Madame, vous vous enfermerez chez vous et vous n’ouvrirez à personne. Vous fermerez les rideaux, baisserez les stores et ne regarderez à l’extérieur sous aucun prétexte. Pendant la nuit, mes hommes interviendront et procéderont à un nettoyage : vous n’aurez plus jamais à subir ces attaques par ondes. » L’ingénieux policier avait trouvé la bonne recette : rassurée, la dame ne le dérangea plus jamais.