Il y a deux ans, quand il m’a fallu installer une nouvelle boîte aux lettres devant ma maison, j’ai décidé de choisir une solution d’avenir. Sous la boîte aux lettres se trouve donc une boîte à colis modernes, connectée à l’Internet des objets. Quand un colis y est déposé, je suis averti par une notification sur mon iPhone et par un courrier électronique. Je gère et j’ouvre la boîte à colis grâce à une application pour smartphone : une simple pression sur la zone voulue assure l’ouverture automatique. Tout est parfait… quand cela fonctionne — la plupart du temps (quand même, pour le prix payé !), mais pas toujours. Ce matin, il m’a fallu 45 minutes et de nombreux essais infructueux pour parvenir à ouvrir enfin la boîte et à récupérer le paquet qu’y avait déposé le facteur. Au début de l’année, pendant plusieurs semaines, les notifications n’ont plus été envoyées, avant d’être enfin rétablies par une mise à jour du firmware. Chaque fois, cela prend du temps. Je ne compte plus le nombre d’heures passées à essayer de trouver des solutions moi-même ou à communiquer avec le service clients du fabricant (d’ailleurs très aimable) — pour effectuer finalement quelque chose de tout simple, c’est-à-dire ouvrir le compartiment dans lequel le facteur dépose des colis…
Des produits nouveaux nous promettent une efficacité plus grande et des fonctions utiles, mais la rançon de ces améliorations technologiques est que chacun de ces produits devient beaucoup plus sujet à une panne ou à un bug, face auquel nous nous trouvons plus démunis que face à des objets simples et ne demandant que quelques gestes, sans médiation électronique. Et ne parlons même pas de ce qui se passerait si, soudain, le réseau électrique s’effondrait.
Autrefois, même pour des objets destinés à un usage par le grand public, un installateur venait s’occuper de la mise en place. De plus en plus, aujourd’hui, on nous promet que nous pourrons procéder nous-mêmes et simplement à l’installation. L’an dernier, il a fallu remplacer le boîtier permettant la connexion de la télévision familiale au réseau par un nouveau modèle. Assuré par la publicité du fournisseur d’accès que ce serait une opération guidée pas à pas, je décidai de m’en occuper moi-même. Pour la première étape, en effet, il suffisait de suivre le mode d’emploi. Arrivé à la seconde étape, en revanche, ce que je voyais s’afficher sur l’écran ne correspondait plus aux indications du guide d’installation. Je finissais par tourner en rond, répétant chaque fois les mêmes commandes sans succès. Après trois heures de frustration, tout a miraculeusement commencé à fonctionner — j’écris « miraculeusement », parce que je n’ai pas encore compris ce que j’avais fait pour débloquer le processus d’installation.
Dans de tels cas, il arrive que nous finissions par appeler le service technique. Parfois, l’interlocuteur qui nous répond semble encore moins comprendre le système que nous. Il nous arrive aussi d’avoir plus de chance et d’atteindre un technicien réellement compétent. Celui-ci essaie de résoudre le problème, ce qui peut prendre quelques minutes… ou plusieurs heures. On sent alors l’homme du métier, qui se passionne pour le problème technique et réfléchit aux solutions pour le résoudre, tout en nous priant de rester en ligne et de patienter. Fort bien : mais j’ai toujours un peu de mal à me mettre dans le même état d’esprit. Je ne suis pas technicien, je ne sais pas ce qui se passe dans les coulisses électroniques, et j’ai acheté un appareil ou un service tout simplement pour le voir fonctionner.
La même chose m’est arrivée plus d’une fois avec des logiciels ou des sites web dont je m’occupe : quelque chose ne marche plus, je passe des heures à essayer de trouver la solution, je prends contact avec un service clients plein de bonne volonté (quand j’ai de la chance), qui me suggère test après test ou m’envoie des versions bêta dans l’espoir qu’elles résoudront le problème. Je leur suis reconnaissant de leurs efforts ; cependant, je n’achète pas un logiciel, un produit ou un appareil dans l’espoir de le tester, mais seulement pour qu’il me rende le service annoncé. Dans la réalité, cependant, plus d’une fois, des entreprises ou développeurs semblent nous considérer comme des cobayes qui devraient être heureux de pouvoir tester les produits que nous avons achetés et de contribuer à les améliorer. Je veux bien, mais cela me transforme en autre chose que le client que je pensais être : nous devenons tous, sans notre consentement, de bénévoles assistants vérificateurs, finissant par y sacrifier chaque année des journées entières…