Je m’étais promis de ne rien écrire après le résultat des élections présidentielles américaines, puisque tout le monde y va de son commentaire et que je n’ai aucune information sensationnelle à ajouter. J’ai pourtant envie de partager quelques réflexions, en prenant un peu de hauteur. Car tout ce que je lis ce matin, et pas seulement de plumes américaines, semble souvent imprégné par l’incrédulité, l’émotionnel et les réactions partisanes, plus que par une réflexion posée et distanciée.
Il y a un peu plus d’un mois, j’ai eu une petite discussion avec un ami politiquement engagé dans un pays européen. Il avait eu un contact avec un membre de l’équipe de Donald Trump et la possibilité d’inviter un émissaire du candidat pour venir présenter ses intentions en matière de politique étrangère. “Eh bien, me disait mon interlocuteur encore éberlué, aucun parlementaire n’est prêt à prendre le risque d’être celui qui aurait invité un représentant de Trump pour en savoir plus! Alors que cet homme pourrait devenir le prochain président des États-Unis!”
L’anecdote prend tout son relief aujourd’hui. Elle est sans doute révélatrice aussi de différences politiques et culturelles transatlantiques. Mais je ne veux parler de cela ou du problème des sondages. Pas plus que je ne veux commenter cette défiance envers tout ce qui est institutionnel (pas seulement dans le domaine politique), que je vois monter un peu partout, pas seulement outre-Atlantique. Et – même si c’est ce qui m’a donné l’idée du titre de ce billet – je ne réfléchirai pas non plus à ce que l’élection de Trump nous dit quant à l’érosion du politiquement correct: malgré la détestation que pouvait inspirer sa rivale, on pensait que les très incorrectes déclarations de Trump et leur goût parfois douteux lui coûteraient cher, mais elles semblent avoir donné à ses électeurs l’impression d’un “parler vrai” contrastant avec des discours lisses et convenus.
Ce qui m’intéresse, c’est de savoir ce que cette élection va signifier sur le plan politique international. Je ne suis pas Américain et je n’ai jamais rêvé de vivre aux États-Unis: les choix des Américains sont leur affaire, mais ces choix ont des conséquences pour la planète. Et, d’un simple point de vue de réalisme politique, ce qui m’importe avant tout est l’impact de cette élection présidentielle américaine sur la Suisse en particulier, sur l’Europe en général et sur les zones de crise dont les turbulences nous atteignent. Sur tout cela, j’ai du mal à voir ce que nous réserve le nouveau président – tout en ayant conscience qu’un seul homme ne modifie pas toutes les orientations d’un pays ni son énorme appareil qui traverse les périodes présidentielles: les États-Unis ne seront pas demain rebaptisés Trumpland. Mais Donald Trump sera-t-il moins interventionniste, comme l’espérait mon ami? Ce ne sont pas les déclarations provocatrices d’une campagne qui me le révèlent vraiment. J’attends de voir l’homme au travail. Un candidat en campagne n’agit pas de la même façon comme président en exercice. Les conseillers dont ils s’entourent peuvent nous donner des indications sur les choix futurs – même si les politiciens se laissent aussi guider par leurs instincts. J’aimerais bien pouvoir lire une solide et fine analyse prédictive sur les probables orientations internationales du futur président des États-Unis d’Amérique – une vraie analyse froide et sérieusement documentée, qui ne laisse pas percer avant tout les préférences ou allergies de l’auteur, et pas une anthologie de déclarations de campagne.
En attendant, quelque part en Europe, il doit y avoir des parlementaires qui se mordent les doigts de ne pas avoir pris le (tout petit) risque d’accueillir l’émissaire de Trump.