“The Chinese Century”: tel est le titre de l’article de Gregory Bracken, qui enseigne à Delft, dans le dernier numéro (N° 58, automne-hiver 2011) de la toujours instructive lettre d’information de l’International Institute for Asian Studies, dont le siège se trouve à Leyde.
L’article souligne l’émergence de la Chine comme puissance mondiale. Si les conclusions qu’en tire l’auteur (menace ou non pour l’Occident?) relèvent nécessairement de l’appréciation personnelle, même bien informée, plusieurs observations sur les développements survenus en Chine méritent d’être retenues. À commencer par le fait d’une croissance économique phénoménale: l’économie a doublé à trois reprises ces trente dernières années, à partir des réformes économiques introduites par Deng Xiaoping en 1978, mais sans réforme politique.
Cela, tout le monde le sait. En revanche, tout en sachant que les campagnards chinois émigrent vers les centres urbains, je n’avais pas conscience que la Chine a connu “la plus importante migration de masse de l’histoire de l’humanité” au cours des dernières décennies: le nombre de migrants internes était estimé à 53,5 millions en 2005, à plus de 140 millions en 2004, pour atteindre 211 millions en 2009 selon certaines estimations! 40 millions de paysans chinois ont été déplacés pour permettre l’établissement de nouvelles infrastructures (barrages, routes, aéroports, usines); 2 millions de plus le seraient chaque année. Des chiffres qui donnent le vertige, quand on imagine ce que tout cela signifie en matière d’aménagement. Les inégalités entre ville et campagne et entre les différentes régions restent l’un des grands défis pour le gouvernement chinois dans les années à venir. Toutes ces transformations pourraient aussi entraîner des conséquences politiques qu’il est encore difficile de cerner.
Une autre observation m’a paru intéressante: comment se fait-il qu’un régime autoritaire puisse ainsi garder le contrôle malgré des évolutions aussi rapides et un tel développement économique? Le bref panorama dressé par Bracken fournit peut-être un clef d’interprétation: système de parti unique, certes, mais fonctionnant comme une méritocratie, dans laquelle le talent, le travail dur et les efforts peuvent recevoir leur récompense.