Je publie dans des revues universitaires, dans des périodiques destinés à un plus large public; je suis responsable d’un site sur les religions dans le monde contemporain et gère également d’autres sites. J’ai bien assez de travaux d’écriture à mon programme chaque année. Et pourtant, j’ai créé un site proche d’un blog (même si sa fréquence de mise à jour est moindre) ainsi que ce site de notes brèves, qui utilise un outil de micro-blogging (Tumblr), même s’il n’accueille pas des commentaires de visiteurs. Pourquoi?
Parce que je voulais écrire des textes qui ne correspondent pas au style de ceux que je publie ailleurs. Parce que je voulais me donner la liberté de partager parfois une observation, une brève note de lecture, une anecdote, y compris sur des sujets autres que ceux des sites dont je m’occupe. Parce que je voulais avoir un espace de style et de ton plus personnels.
Je ne suis pas, bien sûr, le seul chercheur qui trouve plaisir et intérêt à utiliser les nouvelles possibilités de communication ouvertes par Internet et les blogs. Justement, ce matin, je reçois le dernier numéro du bulletin de l’Académie suisse des sciences humaines et sociales (plus un magazine d’élégante présentation qu’un bulletin, d’ailleurs): il contient un article en allemand d’Eliane Kurmann (Infoclio.ch) sur la pratique du blog dans le monde des sciences humaines, en écho à un colloque sur le sujet, qui s’est tenu le 9 mars 2012 à Munich, avec 130 participants. Ceux-ci ont examiné non seulement le paysage des blogs de chercheurs en sciences humaines, mais aussi leur potentiel de transformation de la “culture de recherche”.
Selon l’article, le blogging reste cependant une pratique marginale chez les chercheurs: parmi les raisons invoquées figure le problème de la pérennité des blogs. C’est notamment pour répondre à cette préoccupation qu’a été créé Hypotheses.org, plateforme de blogs universitaires en sciences sociales et humaines. S’étendant progressivement à d’autres aires linguistiques, Hypotheses.org s’est d’abord affirmé en français et, indique l’article, héberge aujourd’hui environ 330 blogs scientifiques sous un même “toit virtuel”. L’archivage dans la durée est assuré et le système permet une citation adéquate du contenu selon les exigences universitaires. Les chercheurs qui créent de tels blogs apprécient la possibilité de communiquer avec un public plus large. Ces blogs sont aussi un champ d’expérimentation et permettent un style d’écriture plus libre. En outre, la diffusion immédiate de l’information et les échanges en temps réel sur les textes ainsi mis en ligne sont appréciés: ils représentent un cadre attrayant pour permettre à des idées et hypothèses de mûrir, même s’il faut encore pour cela une utilisation plus intensive de la fonction de commentaire. Kurmann conclut sa synthèse du colloque en remarquant que les blogs scientifiques ne doivent pas imiter les moyens de publication et d’information établis, mais plutôt développer leur style spécifique.
Bulletin SAGW, juillet 2012 – Académie suisse des sciences humaines et sociales, Hirschengraben 11, Case postale, 3001 Berne, Suisse – www.sagw.ch.