Aujourd’hui, pour la première fois en deux semaines, j’ai quitté mon domicile, pour partir prudemment à la découverte d’un monde au ralenti et aller faire quelques achats alimentaires. En effet, dès le soir du dimanche 15 mars, je m’étais imposé l’isolement, par précaution, en raison de différents symptômes. Aujourd’hui, il ne fait guère de doute que j’ai été atteint par une forme (heureusement bénigne) du Covid-19 : pour la première fois de ma vie, depuis dix jours au moins, j’ai complètement perdu l’odorat. Et puisque nous entendons surtout parler des formes graves et recensées du coronavirus, il n’est pas inutile de partager les expériences moins dramatiques des personnes atteintes sous une forme bénigne — et non comptabilisées, puisqu’il y a beaucoup plus de gens déjà infectés par le Covid-19 que ce que les statistiques officielles nous révèlent.
Cela avait banalement commencé dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 mars par ce qui semblait être un coup de froid ou un virus saisonnier, voire un rhume allergique : maux de gorge, un peu de toux, léger écoulement nasal. Rien de sérieux ou d’inhabituel. Je me dis que quelques médicaments devraient en avoir raison en deux ou trois jours. Vu la situation, cependant, le dimanche soir 15 mars, je décidai de ne plus sortir. Quelques autres symptômes apparurent : une légère fièvre le soir et surtout, durant trois nuits, des barres dans le dos. J’avais l’impression qu’on était en train de presser une grille contre mon dos, ce qui m’empêcha chaque fois de dormir durant plusieurs heures. Curieusement, il ne me vint pas tout de suite à l’esprit que cela pouvait être lié au Covid-19 : je me souviens même d’avoir pensé que le moment était peut-être venu d’acheter un nouveau matelas ! Le mardi ou le mercredi, je sentis le souffle court (qui était perceptible pour les personnes avec lesquelles je m’entretins au téléphone), mais cela ne dura pas plus d’un jour. Les douleurs de gorge, curieusement, disparurent dès le début de la semaine, ce qui est très atypique par rapport à mon expérience habituelle. La toux persista plus longtemps, mais sans être très forte. Un sentiment de fatigue aussi, bien sûr, et quelques maux de tête. Mais je ne passai que deux jours au lit.
Je commençais d’avoir des soupçons de Covid-19, tout en me disant qu’il y avait autant de probabilité d’une maladie plus familière. Les soupçons devinrent quasi-certitude quand, le vendredi 20 mars, je remarquai soudain que j’avais complètement perdu l’odorat : probablement cela avait-il déjà commencé deux ou trois jours avant, mais je ne m’en étais pas rendu compte. Cette anosmie (un mot que je ne connaissais pas) sans obstruction nasale semble relatée de plus en plus souvent par les médecins notamment chez des personnes frappées par des formes peu virulentes du Covid-19. Cela m’a été confirmé par courriel par l’oto-rhino-laryngologue que j’ai consulté : selon les informations communiquées par son association professionnelle, l’odorat devrait réapparaître « dans la plupart des cas » après quelques semaines. Je l’espère vivement : je continue de ne pas sentir la moindre odeur, même forte, agréable ou non. Cela peut aussi poser quelques problèmes de sécurité (je ne pourrais actuellement pas percevoir une odeur de gaz ou de brûlé, par exemple). Chez un couple d’amis atteints par le Covid-19, l’épouse a également perdu l’odorat. Une autre correspondante, à l’isolement pendant deux semaines, m’a rapporté avoir perdu à la fois le goût et l’odorat.
N’ayant jamais eu de forte fièvre, j’ai donc suivi les conseils donnés par les autorités : s’isoler et se soigner, sans déranger les médecins ou une hotline. De toute façon, avec des symptômes faibles, je n’aurais pas eu droit à des tests de dépistage, dont l’usage est strictement limité en raison de leur nombre restreint et des capacités également limitées des laboratoires d’analyse : j’ai appris que même des soignants avec 38° de fièvre n’y avaient pas eu droit… Mais quand ils seront disponibles, je demanderai à être soumis à un test sérologique (ou autre) permettant de savoir si une personne a été infectée par le virus et se trouve donc vraisemblablement immunisée. Car c’est la conclusion que j’en tire : si cet épisode bénin m’a permis d’être immunisé, j’ai finalement de la chance (à condition de finir par retrouver l’odorat !). En attendant, je ne vais évidemment pas jouer au trompe-la-mort, mais respecter strictement les règles de distanciation et d’hygiène recommandées, d’abord par égard pour les autres. Mais c’est vrai que l’impression d’être probablement passé par un épisode de Covid-19 sans dégâts majeurs me donnait un sentiment étrangement détendu en retournant dans l’espace public aujourd’hui.
Mise à jour – 15 juin 2020 – Il m’a enfin été possible de faire chez un médecin le test sérologique, et j’ai reçu aujourd’hui le résultat : aucune présence d’anticorps. Je ne suis donc pas sûr d’avoir été atteint par le virus. Mais les médecins me disent que les tests sérologiques produisent des résultats très incertains dans un nombre important de cas, et il est possible aussi que les antircops aient disparu dans l’intervalle, vu qu’il s’agissait de symptômes assez faibles. Sinon, il me reste à découvrir ce que j’ai bien pu avoir (symptômes jamais rencontrés auparavant, odorat pas encore rétabli près de trois mois plus tard alors que je ne l’avais jamais perdu).