L’actualité de plusieurs Églises est malheureusement marquée par des tensions en ce moment. Et tout cela donne lieu à des commentaires échauffés. Ceux-ci n’épargnent pas les dignitaires religieux. En général, quoi qu’on pût penser d’un pape, d’un patriarche ou d’un évêque, la critique — même sévère — respectait certaines formes. Des mots insultants restaient plutôt confinés aux conversations privées. Il y a eu à toutes les époques des polémiques parfois violentes contre des dirigeants ecclésiastiques, mais j’ai l’impression — subjective peut-être — qu’un vocabulaire qu’on n’aurait pas osé utiliser publiquement devient de plus en plus courant, avec le recours à des qualificatifs parfois injurieux.
Même si cela me frappe ici dans le cas des Églises, cette tendance ne s’y limite pas. Elle s’inscrit dans la « désacralisation » des positions d’autorité, tant civiles que religieuses, encouragée d’ailleurs par ceux qui les occupent eux-mêmes, parfois pour des raisons compréhensibles, mais non sans conséquences à long terme. Les figures d’autorité n’ont plus le même prestige et ne jouissent plus de la sphère de protection tacite qui leur était souvent consentie. La multiplication des canaux d’expression accessibles à tous, avec les commentaires en ligne, réseaux sociaux et autres possibilités d’intervention, joue aussi un rôle : il est possible de réagir instantanément en voyant ses propos apparaître aussitôt, et il est connu que l’expression en ligne est plus désinhibée (même quand elle n’est pas anonyme) — ce n’est pas pour rien que plus d’une personnalité s’est mordue les doigts d’un tweet trop hâtivement posté et rapidement rétracté, mais déjà en circulation et recopié.
Je ne vois aucune objection à ce que des critiques soient émises envers un dignitaire religieux, même si je me dis parfois qu’il est bien difficile d’occuper une telle position et d’exercer une fonction de gouvernement ecclésial, puisque toute décision risque inévitablement de mécontenter certains fidèles. Mais le vocabulaire utilisé pour le dire me semble de plus en plus souvent ignorer la retenue, oubliant complètement la dignité attachée à la fonction, quelle que soit l’indignité supposée de celui qui l’occupe.