Nos chemins se croisent parfois le dimanche matin, avec ceux des ses parents. La première fois que j’ai vu cette fillette déterminée, multilingue et à la langue bien pendue, c’était il y a deux ou trois ans. Elle n’avait que 7 ou 8 ans, mais m’avait regardé en me disant: «Vous êtes beau!» Puis, après m’avoir passé la main dans les cheveux, avait ajouté: «Moi, j’aime les hommes vieux!» J’avais pris cette jolie déclaration enfantine comme un compliment.
Elle n’a pas perdu le sens des formules percutantes. Ce matin, nous conversons quelques instants: elle parle toujours aussi volontiers. Mes cheveux et surtout ma barbe sont devenus encore un peu plus blancs que lors de notre première rencontre, ce qui augmente sans doute considérablement mon âge pour un regard enfantin. Alors que je me penche vers elle, elle passe de nouveau la main dans mes cheveux, en commentant: «C’est beau.» Puis elle continue: «Vous êtes très vieux!» Mais, je ne sais pourquoi (peut-être la facilité de l’échange entre nous?), le descriptif lui semble inexact, ou incomplet. Elle marque un instant de pause et résout la contradiction en déclarant: «Vous êtes vieux et jeune!»