La semaine dernière, à Zurich, j’ai assisté à un intéressant colloque sur la non-religion et la sécularité, auquel Religioscope donnera écho prochainement. Même si mes recherches portent surtout sur les mouvements religieux, je ne méconnais pas l’importance de l’étude des courants et segments de la population qui ne se reconnaissent dans aucune religion ou se déclarent athées: d’autant plus que ce nombre semble augmenter, en tout cas dans les pays occidentaux, par suite d’une disparition de la pression sociale et de l’érosion de la crédibilité des religions dans la perception d’une partie de l’opinion publique.
Cela donne naissance à de nouvelles configurations dans le champ des croyances. Une chercheuse de l’Université d’Amsterdam, Ulrike Popp-Baier, a ainsi présenté une communication sur des profils non religieux à partir d’entretiens. Parmi ceux-ci, elle a mentionné le cas d’un homme qui se veut non religieux et également non spirituel. Mais cela ne l’empêche pas de pratiquer le yoga et d’être maître de reiki.
D’habitude, trois principaux types de profils me venaient à l’esprit dans les autodéfinitions. Tout d’abord, les personnes se reconnaissant dans une religion. Ensuite, les gens qui se disent «spirituels», mais rechignent à utiliser l’adjectif «religieux» (même quand leur démarche en présente toutes les caractéristiques), car cela évoque quelque chose de poussiéreux et d’institutionnel, dans lequel ils ne se reconnaissent pas. Enfin, la catégorie des personnes qui ne se disent intéressées ni par la religion ni par la spiritualité, quelle que soit la définition donnée de ces termes. Ensuite, nous pouvons concevoir des sous-catégories tenant compte de la variété des modèles adoptés par nos interlocuteurs.
Mais si un nombre croissant de gens en arrivent à se percevoir comme non religieux et non spirituels tout en adoptant des pratiques ou discours qui sont généralement associés à ces domaines, nous nous trouvons face à des profils qui ne rentrent plus vraiment dans ces grandes catégories. Certes, il n’est pas difficile d’identifier les ponts qui conduisent à de telles démarches: nombre de pratiques non conventionnelles s’articulent dans un champ qui se veut à l’intersection de la spiritualité et de la science, permettant ainsi de mettre l’accent sur un discours revendiquant ces pratiques comme «scientifiques» — cela a déjà bien été analysé depuis des années. De même, les approches prônant une «spiritualité laïque» ouvrent des perspectives dans le sens des profils rencontrés par Ulrike Popp-Baier — mais jusqu’à maintenant, elles revendiquaient en général une dimension «spirituelle», justement, alors que cela semble évacué dans le cas cité.
C’est ainsi que les colloques, avec les occasions qu’ils offrent d’entendre la présentation de recherches récentes ou en cours, sont utiles pour remettre en question nos catégories (trop) bien établies et stimuler nos réflexions sur de nouvelles pistes.
Ce colloque était notamment organisé par le Nonreligion and Secularity Research Network (NSRN), dont le site est une très utile ressource pour qui s’intéresse aux manifestations de la non-religion dans le monde contemporain.