Dimanche, l’avion qui s’envole d’Istanbul vers Genève est plein. Coincé entre une autre passagère et moi, un homme qui vient d’Asie, sans que je puisse dire avec certitude de quel pays. Nous sommes assis à côté d’une des sorties de secours, et l’hôtesse nous rappelle notre responsabilité en cas d’évacuation. À l’un de mes commentaires, mon voisin remarque que nous ne pouvons que nous en remettre à Dieu. Quelques minutes plus tard, j’apprends qu’il vient du Bangladesh: il est ravi de découvrir que je suis déjà allé dans son pays deux fois.
Il est médecin, enseignant à l’Université de Dacca, et s’occupe «des oreilles, du nez et de la gorge». «Ah, vous êtes oto-rhino-laryngologiste.» Il me regarde, avec un sourire chaleureux: il paraît que la plupart des gens ne parviennent pas à prononcer ce mot. Il m’explique qu’il est déjà venu une fois en Europe, mais au Royaume-Uni. Aujourd’hui, il se rend à Lausanne, où il doit participer à un séminaire de perfectionnement dans son domaine de spécialisation.
Ce sera donc sa première visite en Suisse. Il me demande si les gens parlent l’anglais à Lausanne? Et il se renseigne aussi sur la géographie du pays: «À part Lausanne et Stockholm, quelles sont les autres villes?» Je lui révèle que la Suisse et la Suède sont deux pays différents. «Oui, mais quand même voisins?» Non, désolé, pas de frontières communes — et pas vraiment proches, à l’aune des perceptions européennes.
Plus d’une fois, dans le sous-continent indien, j’ai rencontré des gens qui confondaient Sweden et Switzerland. En Inde, en 2003, peu après l’assassinat de la ministre suédoise Anna Lindh, des personnes rencontrées m’avaient présenté leurs condoléances… Je pensais que la renommée de certains joueurs de tennis avait contribué à dissiper la confusion: je me trompais. Au moins, les deux pays jouissent d’une réputation plutôt bonne hors du monde occidental: l’image de marque suisse n’en souffre donc pas.
Et si l’on demande à bien des Européens ou Nord-Américains de situer certains pays sur la carte de l’Afrique ou d’autres continents, les bévues ne sont pas moins grandes. Question de perspective et de situation sur le globe: la Suisse n’est pas le centre de la planète pour tout le monde…