L’histoire de l’Église assyrienne d’Orient est peu connue en Occident, mais passionnante. Elle a traditionnellement été qualifiée de “nestorienne”, mais ses fidèles n’utilisent pas ce terme pour désigner leur communauté et les experts le considèrent aujourd’hui comme inadéquat, à l’image de Sebastian Brock, l’un des meilleurs spécialistes en études syriaques, qui avait qualifié l’étiquette “nestorienne” de “lamentable misnomer” (Bulletin of the John Rylands University Library of Manchester, 78/3, automne 1996). Cette Église est l’héritière de la tradition liturgique syrienne orientale. Elle mène depuis le concile d’Éphèse (431), qu’elle n’a pas reconnu, une existence indépendante.
Ayant son centre en Perse, rivale du monde romain, ce fut vers l’Est que le Patriarcat de Séleucie-Ctésiphon, ayant affirmé au Ve siècle son indépendance, se déploya, en suivant les routes marchandes. Cela valut à l’Église d’Orient – outre sa présence dans le sous-continent indien, avec des percées jusqu’à Java et Sumatra – de s’établir en Asie centrale et jusqu’en Chine, voire peut-être même au Japon. D’autres communautés chrétiennes de l’Orient s’étaient aussi engagées profondément en Asie, de même que l’avaient fait les manichéens, mais la présence nestorienne était la plus notable – non sans des cas de concurrence avec les autres expressions du christianisme – et fut mentionnée par les voyageurs occidentaux médiévaux qui visitèrent ces régions. Il y eut ainsi un métropolite de Samarcande et une implantation passagère de l’Église d’Orient au Tibet. Les aléas et turbulence de l’histoire finirent par emporter ces communautés. Dans ses régions d’origine, l’Église assyrienne fut ensuite divisée par la création de communautés unies à Rome, dites “chaldéennes”, actuellement plus nombreuses. L’Église assyrienne d’Orient, séparée en deux groupes depuis les années 1960, est aujourd’hui présente au Moyen-Orient et en Inde (d’où les Portugais l’avaient fait disparaître, mais où elle a repris pied au 19e siècle) ainsi que dans une diaspora allant de l’Australie aux États-Unis en passant par l’Europe. Probablement rassemble-t-elle au total quelque 400.000 fidèles.
L ’Église assyrienne d’Orient vit donc aussi à l’heure de la mondialisation. Et voici que le dernier numéro du bulletin Voice of the East (Trichur, Kerala), bimestriel indien de la plus importante des deux branches de cette Église, m’apporte une étonnante nouvelle. Lors de son 14e Synode, présidé par le catholicos-patriarche Mar Dinkha IV, qui s’est tenu du 25 mai au 1er juin 2012 à Chicago, une longue discussion a eu lieu sur les perspectives d’une nouvelle mission de l’Église assyrienne d’Orient en Chine, après des siècles d’absence. Un habitant de Hong Kong, David Tam, qui dirige dans cette ville la Jingjiao Fellowship, s’efforce de susciter l’intérêt pour l’Église d’Orient et d’encourager les Chinois à redécouvrir cet héritage chrétien. Il a rendu visite le 4 juin 2012 au Patriarche, lui apportant notamment la première traduction de la liturgie eucharistique de Mar Addai et Mar Mari en chinois. Le Patriarche a été invité à visiter la Chine. La question de l’envoi de clergé missionnaire à Hong Kong et en Chine continentale serait à l’étude, en vue d’y rétablir la présence de l’Église assyrienne d’Orient.
Sur l’Église assyrienne d’Orient, il existe un gros ouvrage de synthèse bien documenté en français: Raymond Le Coz, Histoire de l’Église d’Orient. Chrétiens d’Irak, d’Iran et de Turquie, Paris, Cerf, 1995, 442 p.