Récemment, à la sortie d’un culte évangélique, discussion avec l’un des responsables de la communauté. Il se trouve que je suis en train de lire l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée, ouvrage du IVe siècle, qui relate des événements ayant marqué les trois premiers siècles du christianisme. Sans mentionner ce livre, je dis à mon interlocuteur combien il me semble important, pour une communauté chrétienne, de se familiariser avec l’histoire et le legs des Pères de l’Eglise. Mon interlocuteur approuve: vous avez raison, me dit-il, il est important de connaître Luther et les autres grandes figures de la Réforme.
Réaction révélatrice: sans que l’on puisse généraliser, car il existe aussi des démarches de redécouverte, nombre de chrétiens évangéliques (et pas seulement eux…) ne s’intéressent guère à la littérature chrétienne des premiers siècles, pourtant proche des origines et contemporaine de cette période durant laquelle se définissaient le canon des Ecritures et les expressions doctrinales de la foi telles que nous les connaissons jusqu’à aujourd’hui.
Avec beaucoup d’intérêt, je viens d’achever la lecture d’un livre publié aux Etats-Unis en 2005, Evangelicals and Tradition. Son auteur, Daniel H. Williams, est professeur de patristique et de théologie historique à Baylor University, au Texas. Lui-même protestant évangélique, il appelle à découvrir “l’influence formatrice de l’Eglise primitive” et la richesse de cet héritage. Au passage, il démonte certaines idées reçues en rappelant que les réformateurs du XVIe siècle (sauf dans certains courants radicaux) ne prétendaient nullement sauter à pieds joints jusqu’au Ier siècle. Il expose à ses lecteurs les ressources que peut leur apporter l’ancienne tradition chrétienne, commençant le chapitre qu’il y consacre par cette citation du théologien orthodoxe Georges Florovsky: “Quand je lis les classiques anciens de la théologie chrétienne, les Pères de l’Eglise, je les trouve plus pertinents pour les soucis et problèmes de mon propre temps que la production des théologiens modernes.”
C’est donc à un ressourcement en se tournant vers l’héritage des premiers siècles chrétiens que veut inciter Williams, à un enrichissement — également dans le cadre du culte et de la prédication — en s’appuyant sur la mémoire historique chrétienne. Notamment en milieu évangélique, cet ouvrage peut offrir l’occasion d’une réflexion sur la notion de tradition. Il ne me reste qu’à souhaiter que ce billet puisse encourager un éditeur évangélique francophone à envisager la traduction et publication dans notre langue de ce livre (ou d’autres textes sur ce thème).
D.H. Williams, Evangelicals and Tradition. The Formative Influence of the Early Church, Grand Rapids (Michigan), Baker Academic, 2005.