Depuis la fin des années 1980, des auteurs bouddhistes occidentaux ou installés en Occident rencontrent un grand succès chez les bouddhistes coréens, nous révèle un article de Ryan Bongseok Joo dans un récent numéro du Journal of the American Academy of Religion. Cela s’inscrit dans le contexte d’une “croissance exponentielle du marché des publications bouddhistes depuis les années 1980”, ce qui a aussi favorisé la recherche de nouveaux sujets. Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement de publications bouddhistes: dans les années 1980, des livres tels que ceux de Jiddu Krishnamurti (1895-1986) et d’Osho Rajneesh (1931-1990) ont commencé à être traduits en coréen et ont trouvé de nombreux lecteurs
En 1998, explique Ryan Bongseok Joo, la chaîne de télévision nationale coréenne KBS diffusa un documentaire d’une heure sur la vie d’un moine bouddhiste d’origine américaine, Hyon’gak (Paul Myunzen). Ce documentaire captiva de nombreux téléspectateurs. Deux livres du moine, publiées l’année suivante, devinrent des bestsellers. Des éditeurs en conclurent que des livres bouddhistes provenant de l’Occident pourraient rencontrer un écho semblable à ceux d’Osho et de Krishnamurti. Pas moins de 35 livres du maître vietnamien Thich Nhat Hanh (qui réside en France) et 23 livres du Dalai Lama furent ainsi traduits et publiés en coréen. L’un des livres de Thich Nhat Hanh se vendit à 1,2 million d’exemplaires: la visite du maître en Corée fut un événement largement couvert par les médias. Quant à la publication des livres du Dalai Lama (ainsi que de plusieurs biographies de celui-ci), elle a modifié la perception — autrefois négative — du bouddhisme tibétain en Corée.
Des éditions coréennes d’ouvrages sur la méditation vipassana rédigés par des auteurs bouddhistes américains sont aussi apparus dans les librairies, “reflétant l’intérêt croissant du public pour la méditation”. L’une des conséquences en a été que les maîtres bouddhistes coréens ont tenté de présenter leurs propres techniques de méditation sous une forme plus accessible à un large public. En lien avec ces influences occidentales, on observe également depuis quelques années en Corée le développement de pratiques de psyhothérapie bouddhiste.
Dans une certaine mesure, conclut Ryan Bongseok Joo, tout cela contribue à transformer la tradition bouddhiste existante. Elle transmet aussi “la vision d’un bouddhisme moderne et de son supposé prestige en Occident”, contribuant à revaloriser le bouddhisme face aux missions chrétiennes évangéliques. Notons que ce n’est pas la première fois que l’on observe de tels phénomènes: l’impact de l’action du théosophe Henry Steel Olcott (1832-1907) à Ceylan au XIXe siècle en reste l’un des plus célèbres exemples.
Ryan Bongseok Joo, "Countercurrents from the West: ‘Blue-Eyed’ Zen Masters, Vipassana Meditation, and Buddhist Psychotherapy in Contemporary Korea (Journal of the American Academy of Religion, 79/3, sept. 2011, pp. 614-638. – Avec plus de 10.000 membres, l’American Academy of Religion (AAR) est sans doute la plus importante association professionnelle de spécialistes des religions dans le monde.